Mon voyage au Maroc

Publié le par Thomas

Samedi 28 mars et dimanche 29

Le bus commence ses manoeuvres pour nous emmener de l'autre côté de la méditerranée. Ramata me fait des grimaces plutôt que des au revoir et cela me fait du bien. J'ai bien sûr le coeur serré de dire au revoir à tout le monde. Je sais que cinq mois, cela risque d'être long à passer sans ceux que j'aime. Et je mesure ce que vivent les immigrés de par le monde. Etre séparé de sa chair, c'est être coupé d'une partie de soi. Et pour eux, il ne s'agit pas que de quelques mois simplement... Et puis ça y est, nous avançons et je laisse derrière moi ma femme, mon père et ma fille. Ce dé art s'est bien passé, je sais que je file vers mon destin et j'ai confiance en la route que me fera suivre ALLAH. A peine avons-nous quitté Bordeaux, que j'entends les haut parleurs situés juste au dessus de mes oreilles hurler des bruits de mitraillette et autres engins de la mort. Le chauffeur nous offre le plaisir de regarder un film de guerre made in USA. La scène me paraît tellement burlesque que je ne peux m'empêcher d'en rire. Les voyageurs sont tous arabophones si ce n'est moi, et subissent ce film plus que ne le suivent. D'ailleurs comment pourrait-il en être autrement alors que le film est en anglais. Le son beaucoup trop fort nous fatigue tous. Mais notre société à besoin du bruit, de l'image et la télé remplit parfaitement son rôle... Dés que le film touchera à sa fin, la nuit se passera normalement et tout le monde essaiera de dormir tant bien que mal. Nous nous arrêtons dans un restaurant marocain qui borde l'autoroute espagnole. Le lieu paraît être une halte obligée pour les migrants qui retournent au pays. C'est l'ambiance du bled en pleine Andalousie. De la harira y est servie, du café au lait bien sucré, du thé à la menthe... Mais avant d'entrer dans le restaurant, je vois de la fumée dans un de ces infinis champs d'oliviers que l'on trouve partout en espagne. Et un petit marocain d'à peu prés quinze ans sort de ces arbres. Vision hallucinante d'un monde où même les enfants se trouvent jetés sur les routes du Nord, à la recherche d'un paradis que la plupart ne trouveront jamais. Il me demande si nous allons en direction de la France ou du Maroc. Je lui dis que nous allons au Maroc. Il retourne alors dans ces arbres à ma réponse. Et puis, au moment où nous allons repartir, deux voitures de la guradia civil, quatre ou cinq policiers débarquent à toute trombe sur le parking. Ils ont du être prévenus et sont à la recherche de ces dangereux enfants. Je suis dégoûté même si je commence malheureusement à m'habituer à cette chasse à l'immigré, devenue habituelle dans nos contrées. Mais il est vrai que la démesure de ce qui se passe ne peut que me révolter. Toute cette armada pour un petit enfant. Voilà à quoi sert la police aujourd'hui en Europe, et voilà le résultat de politiques racistes. Libre circulation pour les biens et services, mais les hommes passeront après les marchandises... Et ces champs d'oliviers, comment les apprécier ? On ne voit qu'eux en Espagne, alignés comme des rangs d'oignons. Rien de plus triste comme paysage que celui de ces arbres, que je trouve pourtant si beaux et magnifiques, mais formant ici un tout uniforme, sans âme et sans vie. J'ai vraiment pu prendre conscience à leur vue de la trace que peut laisser l'homme sur la Terre mère. L'homme est en effet capable de tout transformer, et bien souvent pour le pire. Car bien qu'endémiques, je ne suis pas sûr que ces plantations soient le lieu d'une grande biodiversité. Les autres plantes et arbres semblent être bannis. Après près de 17 heures de trajet, nous arrivons enfin à Algésiras et apercevons le fameux détroit de Gibraltar. Ce port est un lieu stratégique et l'atmosphère s'en ressent : l'attente pour rentrer, les divers contrôles, les policiers... Tout le contraire de ce qui nous attendra à Tanger. Là-bas, c'est le désordre total. Une seule personne pour contrôler les passeports à l'arrivée, une seule aussi pour les détecteurs de métaux. Pour la première, elle finira par laisser passer de nombreuses personnes sans les contrôler, débordée par la tache. Pour la seconde, elle ne contrôlera que très superficiellement lorsque les détecteurs siffleront. Mais nous voici donc en Afrique.

Lundi 30 mars

Cette journée sera une véritable journée de détente et de découverte. Moustapha, qui m'a accueilli avec chaleur à mon arrivée, se chargera de me faire découvrir la ville toute cette journée. Sa gentillesse est infinie et il s'occupe de moi avec énormément de soin. Il m'emmènera pour commencer voir la vieille Tanger qui a énormément de charme . Nous irons ensuite faire un petit tour du côté de l'océan voir la grotte d'hercule où l'orifice par lequel s'engouffre la mer symbolise les contours de l'Afrique. Et tout le long de la route des enfants qui vendent des herbes à manger, des pignons de pin... Mustapha m'emmènera ensuite dans de très bons petits restaurants où nous mangerons la plupart du temps des poissons et des plats « beldi », c'est comme cela que nous appelons la nourriture du pays. C'est un peu le bio du Maroc, même cela reste une appelation populaire sans être des produits qui répondent réellement à une manière de cultiver comme cela est en France. Nous passerons ensuite l'après midi au travail de Mustapha à discuter avec les gens du quartier, pour la plupart vendeurs dans les boutiques proches ou rabatteurs pour des agences de transport.
Le soir, Mustapha m'emmènera au hammam avec son père. Moment délicieux où tout mon corps se détendra sous l'effet de la chaleur, de l'eau et des massages de Mustapha et son père.


Mardi 31 mars

Après avoir dit au revoir à Mustapha, je prends le bus en direction de Rabat. Le paysage sera superbe, surtout entre Tanger et Larache, où le vert me surprendra, moi qui considérait le Maroc comme un pays de sécheresse. Après Larache, je serais surpris par certains arbres. Ils ont l'écorce taillée tout le bas de leur tronc. Le long de la route, des paysannes, jeunes et moins jeunes, me surprennent par leurs superbes chapeaux à clochette. Bien que nous longeons la côte nord atlantique du Maroc, réputée la plus urbanisée, le pays reste tout de même très rural. Ainsi entre les villes côtières, il y a quantité de bergers, enfants comme adultes, qui gardent paisiblement leurs troupeaux, de vaches ou de moutons.
A Rabat, c'est un tout autre décor. Dés mon arrivée, je m'installe dans un café pour attendre Ismael, chez qui je passerai la nuit. Et je suis frappé par le spectacle qui m'est offert à mon entrée dans le café : les gens, tous assis derrière une petite table à boire des cafés, cafés au lait ou des thés, sont  en train de gober la télé, sans rien dire. Leur visage est on ne peut plus vide. Ils semblent tous être dans un état de léthargie... Et que regardent-ils ? La chaîne « animaux » ou est diffusé un reportage sur je ne sais quel animal polaire. Sans écouter bien sûr les commentaires liés à ces images, puisqu'on a coupé le son. Encore une preuve du rôle de la télé dans notre société. Bien plus qu'un outil d'information ou même de distraction, elle est là pour endormir les gens.
Ismael viendra me chercher. Nous irons au domaine universitaire de Rabat, dont les chambres, bien que sommaires n'ont pas grand chose à envier à nos chambres universitaires. Et nous partirons manger à la Kamra, quartier populaire à l'ambiance assez chaude.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Je suis heureux d'avoir de tes nouvelles. Je reconnais ton art des descriptions précises et ton attention envers autrui. Poursuis ta route, rencontre des humains. Comme d'habitude c'est encore toi qui nous montre la bonne direction. Merci. Bien le bonjour à tes amis de passage, à bientôt.
Répondre
M
Salut cousin !<br /> Trés bien écrit et décrit ce début de voyage<br /> Pour revenir aux problémes d'immigration, je viens d'entendre à la radio que l'état français a déployé aujourd'hui plus de 150 flics dans les bois autour de calais pour faire la chasse aux migrants comme quoi les actes révoltants sont courrants et mondiaux et j'en passe...<br /> Bonne continuation et a bientot<br /> La bise
Répondre
B
salut Thomas,<br /> <br /> je suis un pote de Brenda (en Haïti). je suis à Fès depuis quelques temps (mon amie est Fessia). si jamais tu as besoin de quelque chose ou rien que l'envie de passer, fais signe (surtout en mai, après ca sera plus dur). j'ai pas tout à fait compris où était ton lieu de stage (Rabat, Tanger...) mais n'hésite pas.<br /> <br /> pour ce qui est de la télé, j'ai été marqué par une aventure où l'homme n'arrêtait pas de dire "la télé m'a dit ..." ("la tv galti ...").<br /> <br /> et sinon, par rapport au "vert", dis toi qu'il n'a jamais plu autant que cette année depuis 50 ans... ceci renforce aussi cela.<br /> <br /> yallah, kenavo, bslama,
Répondre
I
salut thomas ou bila comment tu vas finalement tu es parti j'espere que tout se passe bien pour toi les preliminaires de ton voyage sont sympa ahhaah <br /> tu vois que l'information et les medias sont tres presents dans le monde c'est ça la mondialisation <br /> bon sejour au maroc
Répondre
C
Salut Thomas,<br /> <br /> Un petit coucou pour te dire que j'ai lu avec grand intérêt les récits du début de ton stage. Le voyage en bus est très intéressant et c'est là qu'on se rend compte de tout ce qu'on peut manquer d'observer en prenant un avion!<br /> <br /> Bon je te laisse, je dois aller brûler dans l'enfer des écolos pour mon empreinte écologique.
Répondre